Psychologie cognitive, neurosciences : que pensent-elles des pédagogies alternatives ?


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La psychologie cognitive et les neurosciences sont de plus en plus mises à contribution pour évaluer l’efficacité des pédagogies nouvelles – qui n’ont de « nouvelles » que le nom, puisqu’elles datent presque toutes du début du 20ème siècle – comme Freinet ou Montessori.

A titre d’exemple, intéressons-nous plus particulièrement à la pédagogie Freinet. Comme Maria Montessori, Célestin Freinet à construit son modèle éducatif en se basant sur ses observations et sa croyance en l’ « élan vital » de l’enfant c’est-à-dire qu’il y aurait, en chaque enfant, une force intérieure qui le pousse à apprendre. Mais qu’en pense vraiment la science aujourd’hui compte tenu de ses plus récentes évolutions ?

Le tâtonnement expérimental : un concept considéré comme efficace par les experts en psychologie cognitive et en neurosciences

Psychologie cognitive - tatonnement expérimental

Contrairement à Maria Montessori, Célestin Freinet à adopté une approche non pas par le jeu mais par un travail cognitif avec un concept de progression graduelle appelé « tâtonnement expérimental ». L’idée qui sous-tend ce concept est que le « maître » ne donne pas les réponses à un problème précis (comme dans l’enseignement traditionnel) mais laisse au contraire les élèves découvrir par eux-mêmes la solution dans le cadre d’activités de « travail imité » (jardinage, peinture, gestion de budget scolaire, …) au fur et à mesure de leurs expérimentations et de leurs erreurs éventuelles.

Eh bien, les dernières évolutions des neurosciences et de la psychologie cognitive semblent valider cette approche par « tâtonnement ».

Ainsi, en 2009, des chercheurs de l’Institut de Technologie de Californie ont mis en lumière que l’activité cérébrale des zones de la mémoire était stimulée et augmentait quand l’être humain est intrigué par un problème.

Par ailleurs, en 2014, le biologiste américain Scott Freeman a centralisé pas moins de 225 études différentes et a conclu que les élèves intégrés dans un enseignement par activité réussissaient mieux leurs examens que ceux qui avaient suivi un cursus de cours magistraux.

Psychologie cognitive - Francis Eustache
Francis Eustache

On notera également que Francis Eustache (chercheur en neuropsychologie) confirme aussi que l’utilisation d’activités sensorimotrices, comme les ateliers de « travail imité » développés par Célestin Freinet, est plus propice à la rétention d’information que les cours académiques classiques.

Si l’approche par « tâtonnement expérimental » seraient donc appropriée pour une meilleure mémorisation des savoirs et apprentissages, elle aurait, de plus, un impact positif sur la motivation. En effet, quand l’élève s’approche, seul ou en groupe, du résultat, son cerveau libère de la dopamine qui va créer un sentiment de fierté qui améliora, à la fois, sa motivation et sa capacité de mémorisation.

Les lecteurs de cet article ont aussi lu les articles suivants : La méthode Freinet et ses caractéristiques et la méthode Montessori : qu’est-ce que c’est ?

L’approche par classes pluri-niveaux est aussi validée par la psychologie cognitive et les neurosciences

Chez Freinet, comme chez Montessori, les classes sont pluri-niveaux.

Psychologie Cognitive - Jerome Bruner
Jerome Bruner

Les élèves plus expérimentés peuvent ainsi aider les élèves les plus jeunes. Jerome Bruner, chercheur américain en psychologie et sciences cognitives, confirme le bien-fondé de cette approche : la présence d’un tuteur, avec qui l’élève peut interagir et tisser des liens de confiance, renforce l’adhésion de l’élève, sa clarté des objectifs et évite le sentiment de frustration.

Et ce qui est bon pour l’élève l’est aussi pour le tuteur. L’entraide développe chez lui un sentiment de fierté. De plus, les jeux entre élève et tuteur qui échangent parfois leur rôle (par exemple, quand l’élève aide le tuteur à retenir un texte ou une poésie) favorisent, plus que dans les apprentissages classiques, le développement des fonctions « exécutives » du cortex préfrontal. Ainsi la psychologue canadienne, Adèle Diamond, indique que cette approche est bénéfique pour des fonctions telles que la flexibilité mentale, la mémoire, l’inhibition des automatismes erronés,

Ce serait aussi un gage d’attention renforcée comme l’a démontré la chercheuse Suzanne Dikker de l’université de New York dans une étude électroencéphalographique en 2017.

Enfin, on notera que les systèmes d’entraide déployés dans des classes pluri-niveaux aident à réduire fortement les violences et incivilités par rapport à des systèmes classiques. C’est ce qu’a constaté en 2007 Yves Reuter, spécialiste en sciences de l’éducation.

Conclusion

Il est instructif de voir que les principales pédagogies alternatives qui ont été développées par des approches empiriques et humanistes par leurs créateurs respectifs (Freinet, Montessori, …) trouvent aujourd’hui un écho positif dans les découvertes scientifiques en psychologie cognitive et neurosciences. Bien sûr, certains objecteront encore que les validations scientifiques de ces pédagogies sont toujours indirectes car il n’y a pas eu d’étude globale déployée pour valider l’intégralité des processus pédagogiques mis en œuvre dans ces approches alternatives.

Néanmoins, les signaux scientifiques sont aujourd’hui suffisamment forts pour assurer que ces pédagogies alternatives délivrent aux élèves des parcours d’apprentissage cohérents, efficace et respectueux.

Si vous souhaitez en savoir plus, je vous recommande la lecture de l’ouvrage de Olivier Houdé, professeur en psychologie cognitive du développement à l’université Paris Descartes, paru en 2018 aux éditions Mardaga : L’école du cerveau : de Montessori, Freinet et Piaget aux sciences cognitives

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